L’ancienne abbaye cistercienne de Félix Pré, près de Fromelennes, était avant la Révolution et depuis le XIIIème siècle un haut-lieu de l’histoire monastique de la Haute Meuse. Transformée en ferme, l’abbaye a connu de nombreuses destructions. Cette abbaye de l’ordre de Cîteaux possédait autrefois des armoiries décrites et dessinées dans l’Armorial général de France rédigé à partir de 1696. Ces curieuses armoiries évoquent une scène religieuse connue sous le nom de « Lactation de Saint Bernard » : Saint-Bernard, alors en prière, prononça les paroles « montre que tu es notre mère » devant une statue de la Vierge allaitant l’Enfant-Jésus, celle-ci se serait animée et aurait donné son lait à saint-Bernard lui conférant ainsi la science des Saintes Ecritures et le don de prêcher. Cette histoire connut une immense faveur dans l’Europe médiévale et moderne et particulièrement dans les Flandres et ici auprès des religieuses de Félix Pré. (ci-dessous, lactation de Saint Bernard, tableau, Liège vers 1480).
Alain Sartelet
Nous conservons l’image dessinée vers 1580 (ci-dessus) d’un grand radeau passant à Givet aux pieds du fort de Charlemont. Il est constitué de troncs assemblés, sept hommes, deux grands gouvernails, à l’avant et à l’arrière et six rames latérales en assuraient la manœuvre. Descendre la Meuse en radeau était autrefois un exercice courant, il permettait de charrier facilement des troncs d’arbres pour le commerce du bois. Certains radeaux pouvaient atteindre 200 mètres de longueur. On a comptabilisé à Hastière au 15ème siècle le passage de 700 radeaux par an. Dans les zones d’abattage le long de la Meuse, les troncs ébranchés et écorcés étaient mis à l’eau, assemblés sous forme de radeaux temporaires puis conduits au fil de l’eau vers Dinant, Namur, Huy, Liège ou Maastricht et Anvers où ils étaient démontés et vendus comme bois de charpente aux constructeurs de maisons ou de navires. Cette pratique du « radelage » ou « flottage » perdure, pour le plaisir, en pays Basque (ci-dessous).
Alain Sartelet
Marches les dames, près de Namur, le 17 février 1934, vers 16 heures, un alpiniste dévisse et se tue, cet homme c’est le roi Albert Ier de Belgique. Cette mort plonge le pays entier dans un deuil profond, le roi était en effet extrêmement populaire depuis qu’on l’avait surnommé le « roi soldat » ou le « roi chevalier » pour sa conduite aux armées pendant la guerre de 1914-1918 (ci-dessus, le roi à cheval en 1909). Comme la Belgique toute proche et amie, la ville de Givet rendit hommage au souverain en érigeant une stèle et un buste en bord de Meuse dans un square qui prendra le nom de ce roi admiré aussi pour son action sociale et pour avoir soutenu la loi sur le suffrage universel…
Alain Sartelet
Cette tour, dite autrefois tour Saint-Grégoire, se dresse comme un donjon sur son rocher dominant superbement la Meuse. C’est un insigne vestige du passé de Givet. Déjà au 11ème siècle, elle surveillait le fleuve pour assurer les rentrées des péages pour les comtes d’Agimont. Un dessin du 17ème siècle conservé à la Bibliothèque nationale, nous montre qu’elle avait encore à cette époque un étage crénelé d’allure très médiévale. Elle a été fortement restaurée sous Napoléon III mais a gardé sa forme primitive pour les étages inférieurs, on y voit encore la trace des fenêtres d’origine. L’historien Patrice Bertrand a repéré les mêmes fenêtres (murées) dans l’église de Charnois, elles aussi du 11ème siècle. Quand vous passerez devant la tour de Givet, regardez-la avec respect, c’est une très, très vieille bâtisse, la plus vieille de Givet. Cela nous ramène au temps des Capétiens, de Guillaume le Conquérant, de la bataille d’Hastings, de la première croisade et de Godefroy de Bouillon (1058-1100).
Alain Sartelet
Cette superbe photo montre le devant de l’infirmerie de la caserne Rougé, la curieuse voiture à deux roues derrière les soldats est une ambulance, couverte d’une bâche sanglée, elle permettait de protéger et de transporter rapidement les malades à l’hôpital. Cette voiture est l’héritière des premières ambulances dites « volantes » inventées en 1807 par le chirurgien Larrey, médecin chef de la Grande Armée de l’empereur Napoléon et précurseur en matière de secours aux blessés.
Alain Sartelet
Sur cette photographie des années 1900 montrant la boulangerie Wauthier rue des Récollets à Givet et publiée dans le beau livre de M. Daniel Higuet, nous voyons une dame à droite qui tient un pain à la forme particulière, d’autres pains identiques sont encore en vitrine. Ce pain a disparu de nos boulangeries, on l’appelait «pain Fer à cheval » ou « pain porte-bonheur » car comme un véritable fer de métal il devait porter chance… Une croyance dont l’origine se perd dans la nuit des temps, le fer à cheval ayant aux yeux de certains la forme d’un C, initiale du Christ ou pour les « mécréants » la forme d’un croissant de Lune, symbole de fertilité et emblème de Diane Chasseresse celte et romaine (la Dea Arduinna de nos forêts !) Ce pain qui sortait de fours ancestraux est aujourd’hui bien oublié malgré la tentative récente d’un courageux et sympathique boulanger de Vireux-Molhain ((Monsieur Claisse, il mérite d’être cité) pour ressusciter ce pain si typique de Givet, hélas les clients ont été déroutés par cette forme inhabituelle, quel dommage, non ?
Alain Sartelet
Il y eut à Givet au moment de la Révolution, pendant la période de la monarchie constitutionnelle un régiment de soldats irlandais, le régiment de Berwick. Ces soldats ne devaient ne pas passer inaperçus dans les rues de Givet avec leurs splendides uniformes rouges et leurs drapeaux frappés de quatre couronnes et de la célèbre lyre, emblème et élément des armoiries de l’Irlande. La devise latine IN HOC SIGNO VINCES (par ce signe tu vaincras) inscrite dans les branches d’une croix rappelle la vision de l’empereur Constantin à la veille de la bataille du pont Milvius à Rome en 312. La croix lui était apparue dans le ciel en promesse de victoire contre son rival l’empereur Maxence, une bien pieuse légende !
Alain Sartelet
Ce minuscule détail d’un plan de Givet sous Louis XIV montre des oiseaux posés sur la Meuse, de quelle espèce sont-ils ? Ce ne sont sans doute pas des bernaches… mais plutôt des canards…Ce détail témoigne de l’architecture des grandes barques de ce temps à l’imposant gouvernail, de la richesse de la faune sauvage et fluviale d’autrefois et par là même de la cuisine de nos ancêtres, pâtés, terrines, confits … (je m’égare !). Givet était autrefois fort réputée pour l’excellence de ses « gibiers-poils » et « gibiers-plumes». (Ci-dessous, nature morte au canard rôti, 17ème siècle).
Alain Sartelet
On la remarque à peine, cette échoppe de la rue de la Fausse-Porte. C’est un précieux témoignage du commerce à Givet avant la Révolution. La devanture est intacte depuis le 18ème siècle sous son arcade de pierre bleue, elle a conservé sa porte ancienne et ses volets de bois grisés par le temps. Les maisons anciennes des villes ont très rarement conservé leur rez-de-chaussée d’origine, remplacés par des magasins sans cesse renouvelés au gré des modes et du temps. C’est donc une véritable rareté que nous avons sous les yeux. Tout y évoque encore la mémoire des boutiques médiévales (dessin).
Alain Sartelet
Regardez cet élégant dessus de porte vitré qui se trouve au numéro 25 de la rue du Puits, le motif central est formé de deux serpents enroulés autour d’une flèche entre quatre écussons. Ce dessus de porte date de la fin du 18ème siècle, il en a toute l’élégance qui annonce le style empire et son goût pour la mythologie et le retour à l’Antique. Il y a un sens caché dans ce motif qui n’est pas que purement décoratif. Depuis l’antiquité le serpent enroulé autour d’une flèche était un des symboles représentant la Prudence, une des vertus dites « cardinales » (gravure ancienne ci-dessous) avec la Force, la Tempérance et la Justice…tout un programme pour une vie exemplaire !
Alain Sartelet