La présence des Suisses dans les églises remonterait en France à 1771 quand une ordonnance royale institua une pension pour les soldats vétérans de l'armée. Les soldats suisses combattants pour le roi de France comme mercenaires depuis leur règne de François 1er furent exclus de la mesure. En compensation, le roi décida de les envoyer dans les églises du royaume pour assurer la garde et le service d'honneur. Choisi ensuite parmi les hommes pieux de la paroisse, le suisse portait un prestigieux costume brodé d’or qui avait un certain parfum d’Ancien Régime. C’est encore une fois grâce à Monsieur Pierre Cartiaux qui veille sur l’église Saint-Hilaire et ses trésors qu’on a pu, il y a quelques jours, retrouver intacts les deux prestigieux insignes de la fonction du dernier Suisse de Givet, la hallebarde et la canne à pommeau d’argent (1 et 2). Ceux qui ont connu le temps des Suisses se souviennent encore du bruit de la canne qui frappait le dallage pendant les cérémonies. Existe-t-il des photos du dernier Suisse de Givet ? Le Suisse n’a heureusement pas disparu partout et pour le plaisir de vos yeux, voici celui de la cathédrale de Mayence en Allemagne (3).
Alain Sartelet
À la mort du roi de Danemark, Frédéric II (2) (1534-1588), c’est à Givet que l’on vint, incroyable voyage par la Meuse et la mer, chercher les marbres destinés à son tombeau monumental érigé en 1591 (2) dans la cathédrale de Roskilde près de Copenhague. C’est là une preuve insigne de la faveur dont jouissaient autrefois les splendides marbres rouges de Givet (3, détail) ainsi appréciés dans l’Europe entière. Les comptes de construction du tombeau royal, heureusement conservés à Bruxelles, précisent même que les marbres rouges ont été extraits « sous la muraille du fort de Charlemont »…
Alain Sartelet
Toujours rue Oger, une belle maison de pierre montre un dessus de porte mouluré où figure un modeste blason. Seules sont inscrites une date, deux volutes et deux lettres, I et H, initiales probables du bâtisseur anonyme qui vivait ici en 1700 quelques années avant la fin du règne de Louis XIV. Ici point d’armoiries, le propriétaire n’en possédait sans doute pas mais il a tenu à conserver la forme de l’écusson, pour une meilleure allure sans doute ! Continuez à flâner dans le Petit Givet, de merveilleux petits détails vont vous sauter aux yeux, toujours en lien avec la grande Histoire ! (Ci-dessous un saisissant portrait du roi âgé, en cire et cheveux naturels, réalisé en 1700 et ciel de crépuscule sur le Grand Trianon).
Alain Sartelet
Ce beau dessus de porte en pierre bleue situé sur la façade d’une maison ancienne de la rue Oger n’est pas daté mais son inspiration « rocaille » pour la partie centrale se marie avec les volutes un peu lourdes qui sont encore inspirées par le style classique de l’époque de Louis XIV. On peut ainsi en levant le nez et en flânant dans les rues de Givet réviser ses styles…Ici le médaillon central porte, gravées à la pointe assez discrètement, deux lettres entrelacées, un C et un W qui sont probablement les initiales du bâtisseur, aujourd’hui oublié !
Alain Sartelet
L’église de Vireux-Wallerand, trop méconnue, mérite le détour, nous en avons déjà parlé ici. La partie la plus intéressante est le beau chœur gothique voûté de bois. La clé de voûte du chœur nous révèle la date de construction de cette partie la plus ancienne, en effet elle porte des chiffres romains sculptés : M.V.C.L.I.I. (le C est tout petit au dessus du V qui a une forme de U et les 1 ont une forme de i avec un point au dessus) je sais, il faut s’y connaître un peu pour déchiffrer ça les chiffres romains sont tombés en désuétude mais c’est facile : le M pour 1000, le V et le C pour 5 fois 100, le L pour 50 et deux fois 1. Le tout additionné donne 1552. En 1552, Henri II, fils de François Ier, était roi de France et Charles Quint était empereur du Saint-Empire romain germanique…
Alain Sartelet
Du chêne, un habile savoir-faire, de bons outils et voici tout le charme d’une boiserie ancienne. Ici pas besoin de peinture ni de dorure pour embellir, le bois est simplement ciré, patiné par la cire des siècles. L’artisan s’est seulement autorisé quelques fleurettes dans les volutes des chapiteaux et une courbe généreuse dans le fronton…Toute la grâce un peu austère d’une époque transparaît ici dans ce modeste confessionnal de l’église Saint-Georges de Vireux-Wallerand. La beauté des bâtiments et des objets des siècles passés se cache partout autour de vous parfois même dans d’infimes détails, alors cherchez, regardez, admirez…
Alain Sartelet
Une gravure représentant le fort de Charlemont en 1667 nous livre un très curieux détail sur les bastions ouest, une sorte de mât avec une partie renflée sous un étendard flottant au vent (1). Une question vient à l’esprit : c’est quoi ? La réponse se trouve dans un tableau conservé au Rijksmuseum d’Amsterdam (2, détail) représentant la « joyeuse entrée » de François de France, frère du roi Henri III, intronisé duc de Brabant à Anvers en 1582. La ressemblance est parfaite, il s’agit d’un mât destiné à recevoir une oriflamme armoriée et un tonneau chargé de fusées de feu d’artifice tiré en l’honneur d’un fils de France. Nous sommes là en présence d’un souvenir immortalisé par la gravure et lié sans doute à une fête donnée à Charlemont au temps du roi d’Espagne Charles II (1661-1700) Charles II c’est le roi qui allait céder Givet à la France, donner le trône d’Espagne au petit-fils de Louis XIV et laisser son nom à la ville de Charleroi. Que de choses derrière un petit détail…
Alain Sartelet
Voici un autre reliquaire de Notre-Dame de Givet, plein de charme il fait la part belle aux courbes dansantes de feuillages fleuris, deux petits angelots perchés sur des volutes dorées soutiennent un cœur-reliquaire vitré surmonté des lettres A et M entrelacées (pour Ave Maria, « je vous salue Marie », les premiers mots prononcés par Gabriel, l’ange de l’Annonciation). La naïveté du travail de l’artisan n’enlève rien à la beauté de ce reliquaire, autrefois sincère objet de dévotion pour les givetois.
Alain Sartelet
On passe dans la rue Oger sans remarquer cette minuscule façade qui mérite pourtant qu’on s’y arrête un instant car en effet elle témoigne d’un art tombé en désuétude, la rocaille en ciment armé évoquant la nature. Cet usage s’est développé à partir de Napoléon III avec l'aménagement de parcs publics (un bel exemple avec le pont et le kiosque du jardin botanique de Sedan créé en 1873, ci-dessous). Ici ce sont les encadrements de fenêtre et de porte et la corniche qui évoquent des branches dont l’une (une pointe de fantaisie !) est représentée cassée…
Alain Sartelet
L’église Notre-Dame de Givet abrite un trésor, une magnifique série de reliquaires de bois doré datant du 18ème siècle. Le bois s’est plié à la fantaisie baroque du sculpteur, hélas anonyme. Ces petits chefs d’œuvres de virtuosité et d’élégance témoignent d’un solide métier. Admirons surtout ceux ornés d’ailes et de plumes (d’anges ?) qui semblent animées par un souffle perpétuel.
Alain Sartelet