L’ordre des Récollets ont laissé à Givet deux importants couvents. Ces récollets (le mot signifie « recueillis ») sont des franciscains réformés qui observent strictement la règle de saint François d’Assise (1181-1226) : ascèse, pauvreté, chasteté et prière, ils sont issus d’un mouvement de piété né en Espagne au 15ème siècle et structuré solidement par Pierre d’Alcantara (1499-1562). Très révéré à Givet autrefois, on peut encore voir une chapelle qui lui est dédiée dans l’église Saint-Hilaire ainsi qu’un tableau de la fin du 17ème siècle (venant du couvent des Récollets) qui nous livre sa « vraie effigie », la date de sa canonisation : 28 avril 1669 ainsi qu’une référence à une autre grande figure de l’Eglise, sainte Thérèse d’Avila.
Alain Sartelet
Charmante et naïve statue de saint Georges qui trône au revers de la tour de l’église de Vireux-Wallerand. Vous ne remarquez rien ? Un détail amusant, le saint a perdu son dragon qu’il chasse éternellement à l’image d’un autre saint pourfendeur du Mal, saint Michel le grand archange généralissime des armées célestes. Nul ne sait où est passé le dragon de Vireux-Wallerand, les recherches continuent… Saint Georges (4, ici une statue complète) protégeait particulièrement les voyageurs, aussi autrefois par toute l’Europe on portait sur soi des médailles de cuivre, d’argent ou d’or à son effigie (3, ici une grande médaille d’or du 17ème siècle pesant 34 grammes, pour les riches voyageurs, bien sûr !).
Alain Sartelet
Le Mahwot passe pour être un animal légendaire (qui sait ?) dévoreur de chair humaine et qui hanterait les rives de Meuse. Son apparition, assez rare reconnaissons-le, est annonciatrice de mauvaises nouvelles, un peu comme les comètes d’autrefois. A quoi ressemble-t’il ? Le très talentueux dessinateur Cyril Barreaux en a donné une image pour le moins effrayante, regardez les deux personnages terrorisés, blottis, immobiles le long des membrures d’une barque. Seule source de lumière, un petit fanal jette une lumière incertaine sur un monstre antédiluvien sorti des brumes mosanes, quel talent, quel art de la mise en scène ! Riverains de la Vallée, méfiez-vous des brouillards qui montent de la Meuse, on ne sait jamais trop ce qui s’y cache !
Alain Sartelet
Le musée de l’Ardenne possède un rarissime témoignage de l’art des tailleurs de pierre : une horloge de parquet, haute de près de trois mètres, en pierre bleue de Givet datée de 1756, chef-d’œuvre probable d’un compagnon aspirant à devenir maître. Le grand intérêt de cette fabuleuse horloge est l’utilisation, exceptionnelle, de la pierre en lieu et place du bois. La naïve décoration, soleil, lune, étoile, évoque la grande machinerie céleste. Le superbe blason ovale du socle, encadré de palmes, porte les emblèmes du métier de tailleur de pierre : règle, compas, maillet, équerre, burin et pointerolle, symboles de l’aristocratie du travail manuel. Du bel ouvrage non ? Cette merveille se trouvait autrefois au 44 rue Notre-Dame à Givet (Clichés musée de l'Ardenne. Charleville-Mézières ©Lisa Maronnier).
Alain Sartelet
Non, ce ne sont pas les quais de Givet mais ceux de Huy, peints vers 1567 par Lucas van Valckenborch (musée d’Anvers) mais tout y est, les maisons de pierre grise et de brique et surtout les très nombreux navires qui sillonnent le fleuve, barques et mignoles, l’une d’elle est même « à la voile ». Ce peintre génial a su rendre toute l’émotion et toute la fascination qu’il éprouvait pour la Meuse et ses métiers.
Alain Sartelet
Les troupes de Louis XIV ont volontairement incendié Givet en 1675 pour des raisons purement stratégiques, intimider les armées espagnoles qui tenaient Dinant et s’étaient retranché dans le fort de Charlemont, épisode fameux de la guerre dite « de Hollande ». Peu de témoins visibles de ce drame existent, cependant sur le dessin conservé à la Bibliothèque Nationale, réalisé vers 1680 (1), on remarque les séquelles probables de l’incendie. Au premier plan trois bâtiments sont encore en ruines, toitures crevées, murs écroulés. De l’un des bâtiments seul un mur pignon subsiste au premier plan. Nous pouvons constater que la tour Victoire (2), derrière laquelle se profile le pont de bateaux, n’a plus de toiture, seule une cheminée dépasse. La tour a en effet, si nous nous référons aux comptes, été très endommagée, ainsi sa porte a dû être remplacée, l’ancienne ayant été dévorée par les flammes.
Alain Sartelet
C’était jadis la résidence d’un avoué, le gérant du territoire de Chooz au nom de l’abbé de Stavelot-Malmédy (4, armoiries au « loup bâté »). Dans son état actuel l’édifice est le résultat de plusieurs campagnes de construction s’échelonnant du 16ème au 19ème siècle. Le noyau primitif est un gros pavillon à haute toiture construit vers 1550 flanqué du côté de la rue d’une tourelle plus symbolique que réellement défensive (1). La façade sur rue du pavillon a été remaniée mais présente cependant des éléments anciens, des baies autrefois à meneaux et une belle porte (3) ornée de bossages qui ne sont pas sans rappeler ceux de Hierges (église, 1579 et château, 1560-1570) et de l’église de Charlemont (1588) La partie qui jouxte le pavillon côté rue est un adjonction des années 1620 en pierre bleue et brique typique de la Renaissance mosane, on y voit une magnifique baie à meneau et croisillon (2), aujourd’hui murée qui présente un linteau portant des armoiries non identifiées (5). Le château de Chooz est encore trop méconnu, il mérite toute notre attention.
Alain Sartelet
Dans notre exploration du merveilleux patrimoine de la région, religieux, militaire ou civil, nous nous arrêterons aujourd’hui sur ce délicat petit tableau (1) qui passe inaperçu tant il est mal placé, toujours à contre-jour sous une fenêtre de l’église Saint-Hilaire de Givet. C’est pourtant une belle œuvre du 17ème siècle représentant « Le repos pendant la fuite en Egypte », épisode célèbre et dramatique des Evangiles où l’on voit Marie, Joseph et Jésus échapper aux persécutions du roi Hérode (le « massacre des Innocents »). Ici le peintre, inconnu, nous montre une halte pleine de charme et de tendresse, l’enfant Jésus, bien potelé et bien rose, est assoupi, bercé par les chants des angelots dont l’un joue du chalumeau (3). Joseph, à l’arrière-plan, est comme effacé presque fondu dans un arrière-plan plein de ténèbres. A droite une trouée de ciel bleu domine un paysage barré d’un pont fortifié. Un ange blond et bouclé (2) offre des fruits, c’est Gabriel, l’archange, un des messagers de Dieu.
Alain Sartelet
L’église Saint-Martin de Vireux-Molhain (1) a été bâtie en 1722 (2), elle présente une très remarquable caractéristique architecturale identifiée par l’historien André Majewski. L’église en effet possède une « litre funéraire » ou « ceinture de deuil », une bande d’enduit courant sur tout le pourtour de l’édifice et qui jadis était peinte en noir et ornée des blasons du seigneur local, le comte de Hamal : (3, de gueules à cinq fusées d’argent). Ainsi c’est l’édifice tout entier qui prenait le deuil à la mort du seigneur ! En 1900 la ceinture funéraire était encore bien plus nette qu’aujourd’hui (1, la large bande grise sur la photo), mais avec le temps la couleur noire et les blasons se sont effacés cependant la bande d’enduit subsiste toujours aujourd’hui, à peine lisible. Très répandues autrefois, les litres sont devenues rares, il en subsiste cependant de beaux exemples en France (4, église Saint-Germain de Creysse, Lot, litre funéraire aux armes de La Tour d’Auvergne, vicomte de Turenne).
Alain Sartelet
A Haybes, il est un site absolument remarquable, Moraypré, où l’on voit encore les restes d’un haut-fourneau remontant probablement au 16ème siècle. Il subsiste en pleine forêt une partie du « gueulard » (1) vitrifié par la formidable chaleur que nécessitait la fonte de grandes barres de fer, les fameuses « gueuses » (2). Pour avoir une idée de l’allure d’origine d’un tel site il faut se référer au merveilleux tableau de Marten van Valckenborch (1535-1612) qui nous montre un fourneau en activité (3) avec sa roue à aube chargée d’animer le soufflet de la forge. Le fourneau de Moraypré cessa de fonctionner vers 1638 mais le site demeure à nos yeux un lieu capital pour l’histoire de la métallurgie ardennaise.
Alain Sartelet