Le grand Moulin banal de Givet (ou moulin seigneurial, on y versait une quote-part au souverain) est mentionné dès le 11ème siècle, il était installé dans une petite île au milieu de la Houille. La plus ancienne représentation est celle du plan de 1643 (ci-dessus). On y voit un gros pavillon à fenêtres à meneaux, surmonté d‘une haute toiture et doté de trois roues ou « tournants ». À cette époque il est déjà désignés sous le nom de « moulin du Roy » le roi est alors Philippe IV d’Espagne. Le moulin continuera à porter ce nom sous Louis XIV, seule la nationalité du roi avait changé. Selon les plans du début de la période française le bâtiment, un atout logistique de première importance, avait reçu des défenses, tours et bastions, sans doute justifiées par l'absence de fortifications autour de Givet Notre-Darne, grave défaut qui sera réparé après le siège de 1696. Certains grands moulins anciens ont conservé leurs trois roues en enfilade comme autrefois à Givet (ci-dessous).
Alain Sartelet
Il existait autrefois à Givet, près du fort de Charlemont, une petite chapelle dédiée à Notre-Dame de Montaigu. Montaigu en Belgique fut le théâtre au 13ème siècle d’une apparition de la Vierge. Ces évènements provoquèrent un vaste et durable mouvement de dévotion qui essaima des chapelles jusqu’en Provence. Celle de Givet remontait probablement au début du 17ème siècle, il s’y déroula un miracle sur la personne d’une jeune fille, Marie Quinet, en partie paralysée qui retrouva la vigueur de ses membres. La chronique du temps nous rapporte les faits en détail. Notre-Dame de Montaigu était révérée et implorée pour la guérison des paralytiques, on la voit sur cette image pieuse de l’époque, rayonnante de gloire, entourée du Saint-Rosaire et environnée de béquilles offertes en ex-voto, accrochées symboliquement à l’arbre miraculeux où était apparue la Vierge. La chapelle de Givet dura peu de temps car elle fut rasée sur ordre de Vauban qui voulait dégager les abords de Charlemont.
Alain Sartelet
Son nom est bien oublié des givetois et des français en général : Joseph-Jacques Ramée (1764-1842) qui naquit au fort de Charlemont. Cet homme d’un immense talent fut architecte, paysagiste et décorateur, il assimila toutes les cultures et tous les styles de l’égyptien au baroque. Sa renommée fut internationale, il construisit de superbes résidences en Allemagne, au Danemark et en Amérique où il s’occupa un temps de fortifications. Un esprit brillant dans la droite ligne des génies de la Renaissance. Il revint à Givet après la Révolution où il dressa les plans du château de Massembre. La vogue des jardins dits « à l’anglaise » lui doit beaucoup ainsi en témoigne le délicieux parc du château de Sophienholm au Danemark (ci-dessous) où souffle un romantisme d’un charme indiscible.
Alain Sartelet
Au début du 17ème siècle à Givet, on pouvait interdire la Meuse au trafic, le commandement militaire espagnol fit tendre une grosse chaîne de fer en travers du fleuve. Un plan de 1613 nous en a conservé le souvenir. Cette chaîne posée sur des flotteurs au ras de l’eau était tendue entre la pointe du fort de Rome, rive gauche et la voie verte, rive droite (ci-dessus son emplacement en vue aérienne aujourd’hui) Les maillons furent forgés sur place dans une forge de Givet. Bien sûr cette chaîne qui gelait la navigation a disparu mais nous en connaissons d’autres faites sur le même principe, ainsi celle de 1778 barrant le fleuve Hudson (USA, guerre d’indépendance) et dont les maillons (ci-dessous) sont longs de 60cm et pèsent 60 kilos !
Alain Sartelet
C’était la volonté du roi Louis XIV, détruire Givet alors aux mains des espagnols. Ce fut un triste épisode de la guerre dite de Hollande. Le maréchal de Créquy (ci-dessus) à la tête de plusieurs régiments dont celui de la Couronne (drapeau ci-dessus) vint incendier les deux Givet, seul Charlemont fut épargné (l’élément militaire le plus précieux) Cette opération de destruction totale d’une ville s’appelait alors une « exécution militaire » le bilan sur le plan des bâtiments était très lourd, maisons et églises étaient en ruines mais nous ignorons tout des pertes humaines. La ville devint française à la signature du traité de Nimègue et fut entièrement reconstruite en quelques années …sous l’impulsion du même Louis XIV !
Alain Sartelet
Au début de la Révolution, la première fête de la Fédération de Givet fut célébrée (avant celle de Paris) le 3 juin 1790. La cérémonie se déroula dans l’île Lion (une île aujourd’hui rattachée à la rive que l’on voit bien sur le plan ci-dessous où elle longe encore les jardins du premier couvent des Récollets en face de la chapelle Saint-Roch. Un aménagement spectaculaire de l’île fut pratiqué avec une zone centrale circulaire entourée de fossés plantés d’arbres. Trois rampes permettaient d’atteindre la terrasse ronde centrale large de 9 mètres où avait été construit un autel surmonté d’un grand obélique de près de 15 mètres de haut orné à son sommet d’un drapeau tricolore. Les cérémonies suivies de toute la population furent entremélés de discours et de salves d’artillerie marquant la fédération des régiments en poste à Givet (Dauphin, Chartres-Infanterie et garde nationale de Charlemont) dans une ambiance de joie indescriptible selon un témoin oculaire.
Alain Sartelet
Regardez bien ce dessin du fort de Charlemont dessiné vers 1680 à l’arrivée des troupes françaises de Louis XIV, vous ne remarquez rien ? Le paysage qui entoure le fort est désert, quasiment aucun arbre, que du gazon ! La place est dégagée et forme sur l’horizon un superbe étagement de bastions et de demi-lunes. Il en était ainsi de toutes les forteresses autrefois, une large zone vide (les glacis) entourait les fortifications, il était interdit d’y planter des arbres et évidemment interdit d’y bâtir quoi que ce soit (zone dite « non aedificandi ») rien en effet ne devait gêner le regard des observateurs postés dans les échauguettes qui hérissaient encore le fort à cette époque, elles ont presque toutes disparues aujourd’hui. Rien ne devait gêner les tirs des canons des remparts. Il est plus difficile aujourd’hui de concilier architecture et nature sur un site fortifié, la conception du paysage change au fil du temps !
Alain Sartelet
Vous passez souvent devant le clocher de Notre-Dame qui donne une si belle silhouette au Petit-Givet mais vous ne vous doutez pas que c’est sans doute le vestige le plus ancien de toute la ville. Les deux premiers étages du clocher remontent en effet sans doute au 12ème siècle et sont les restes d’une église romane primitive maintes fois remaniée et autrefois fortifiée comme le montre le cadastre de 1823 où l’on voit encore une des tours rondes du rempart qui enfermait église et cimetière. Les parties hautes du clocher sont de 1612 comment l’indiquent de grands tirants de fer qui raidissent les charpentes et les murs. La petite porte du rez-de-chaussée n’a été percée qu’en 1732 ainsi que l’indique la date gravée (ci-dessus).
Alain Sartelet
Il fut à la musique ce que Chateaubriand fut à la littérature, un maître ! Vous l’avez sans doute déjà reconnu, c’est bien sûr Etienne Nicolas Méhul qui naquît à Givet en 1763 (ci-dessus son portrait en 1795 au château de Versailles). Son œuvre est hélas un peu trop oubliée aujourd’hui à part le fameux « Chant du départ » écrit en 1794, un hymne sublime à la Liberté, un chant de ceux qui traversent les siècles, immuables…et toujours d’actualité (Tyrans descendez au cercueil !!!!). Méhul fut aussi l’auteur d’opéras absolument magnifiques comme son « Joseph » datant de 1807, mêlant prose et chant, c’est à écouter ou réécouter d’urgence, on trouve encore des enregistrements dans le commerce et de nombreux extraits sur le Net…
Alain Sartelet
Le merveilleux dessin de Charlemont en 1580 (ci-dessus) nous montre sur la pointe Est de la forteresse, perchée sur le bord du rempart, une potence de charpente supportant une cloche qui était destinée à sonner l’alarme en cas de danger. Ce genre de dispositif se rencontrait fréquemment autrefois, ainsi à Sedan à la fin du moyen-âge où une serie de cloches avait été établie sur chacune des tours des fortifications de la ville pour donner l’alarme de loin en loin. L’usage de ces cloches s’est poursuivi fort tard, jusqu’à la guerre de 14-18 avec les cloches chargées de prévenir de l’arrivée des gaz asphyxiants (ci-dessous).
Alain Sartelet